Depuis le lancement de Temalapaire il y a plusieurs mois, nous avons toujours voulu analyser l’industrie de la sneaker tout en gardant notre signature satirique. C’est donc assez naturellement que pour ce premier édito sur le thème des sneakers éco-responsables, nous avons décidé de faire équipe avec SNEAKERS, pilier de l’industrie depuis 2005.
« L’humanité doit rester humble et travailler pour régénérer la planète. On pourrait détruire nos ressources et nous détruire nous-mêmes. » Non ce n’est pas José Bové que nous citons (ex-député des Verts que les 2005 ne peuvent pas connaître) mais bien l’éminent Kanye West himself. Et si Ye exprime son attachement pour le développement durable entre deux tweets lunaires et une présentation aux élections (que nous ne commenterons pas ici), c’est bien que cet édito sur le virage éco-responsable de l’industrie de la sneaker a des raisons d’exister. Mais plutôt que de se lancer dans une liste des paires éco-responsables « stylées » ou « branchées » comme il en existe déjà des centaines dans les magazines de tes blogueuses préférées, et aussi se mentir à nous-mêmes en prétendant qu’il en existe tant que ça, nous avons tenté d’analyser le virage éco-responsable de ton industrie préférée.
Tout d’abord, cette analyse abordera les raisons qui motivent cette mise au vert et son urgence. Ensuite, nous parlerons des dernières initiatives aux couleurs des Celtics et de nos créations préférées. Enfin nous terminerons avec les barrières qui se dressent face à l’industrie ainsi que ses axes d’améliorations pour le futur. Et même si chez Temalapaire on a un égo aussi gonflé qu’une semelle de Disruptor, on s’y connait quand même plus en Lacoste Tn qu’en bambou recyclé. C’est donc assez logiquement qu’on a fait appel à un trio d’attaque digne de la MSN du FC Recyclage composé de Rubi Pigeon, co-créatrice de la marque d’upcycling Rusmin, Zakari Boukhari, créateur de Sustainable Zak, une plateforme qui rassemble des acteurs éco-responsables et Martin Sallières, designer footwear chez Filling Pieces. Cette triple collab aussi complémentaire qu’une adidas x Pharrell x Chanel nous aiguillera à travers cet édito sur une industrie qui génère plus de 80 milliards d’euros par an et qui jète plus de 300 millions de paires à la poubelle chaque année.
Des paires qui respirent, pour une planète qui étouffe
Avant même d’aller plus loin il est important de poser un contexte et de rappeler ce qu’il faudra rappeler tant que la planète sera à bout de souffle comme tes Air Force 1 en fin de vie (que tu devrais changer en cliquant ici). Comment l’industrie de la sneaker pollue-t-elle ? Toujours dans le top 5 des industries les plus polluantes que ce soit en terme d’émissions de gaz à effet de serre, d’occupation des sols ou de consommation d’eau et de matière, l’industrie de la mode pollue, et pas qu’un peu. Mais on vous voit venir du haut de vos AJ1 fripées : « les sneakers ne représentent qu’une petite partie de l’industrie de la mode donc elles ne polluent pas tant que ça. » Oui, mais non. Les sneakers sont les produits qui polluent le plus de par le nombre d’opérations que nécessite leur fabrication et les différents composants utilisés (colle à base de solvants, caoutchouc, métaux lourds pour la teinture…). Il faut environ 40 ans pour qu’une paire se décompose totalement. Les 2005 auront déjà la cinquantaine que leurs Mid ne se seront pas encore totalement décomposées…
Mais avant que des hordes de bobos en Veja nous sautent dessus en hurlant des « nous on savait, nous on rocke écolo depuis 2005 », Zak aborde le sujet avec beaucoup d’humilité et d’altruisme : « c’est toujours bon de parler, d’agir pour cette cause là, peu importe la manière ou l’acteur en question, car je pense que pour y arriver, il faut faire le maximum d’actions, inonder les ondes car comme la question du racisme, ce sont des problématiques universelles qui nous touchent tous. Concernant l’industrie de la sneaker, je pense que les marques marchent sur des œufs, car celles qui dominent le marché actuellement n’ont pas pensé leur économie et leurs produits sur des modèles de développement durable, donc c’est normal que les consommateurs peuvent percevoir ce virage là comme du greenwashing sans actions concrètes. En tout cas, si on veut y arriver un jour, il faut qu’on agisse tous, donc on ne peut pas leur reprocher de le faire. »
L’avis de Martin est quant à lui beaucoup plus nuancé. Le jeune designer met en cause certaines marques et leur implication en demi-teinte : « Je pense que pour le moment l’approche éco-responsable manque un peu de connaissance et d’honnêteté. En fait, les marques profitent de cette opportunité mais il y a clairement un manque de connaissance du grand public. Par exemple, toutes les marques nous sortent des chaussures « vegan », ce qui veut dire : « On n’a pas mis de cuir dans la pompe mais que du plastique ! Personnellement, je préfère une chaussure en cuir, qui au final est un « déchet » de l’industrie de la viande, plutôt qu’un produit full plastique. »
On souligne donc ici le modèle économique et les process des géants du sportswear qui collent aux principes de la fast-fashion, capable de débiter plus de 15 milliards de nouvelles paires de chaussures tous les ans et qui doit progresser dans la sélection de ses matériaux, son honnêteté et sa transparence.
La créatrice Rubi Pigeon abonde d’ailleurs dans ce sens : « Je pense que le challenge est toujours le même. C’est être honnête sur la fabrication, l’éthique tout en réussissant à vendre autant. Ces marques sont très influentes et le fait qu’elles soient transparentes pourrait éveiller les gens sur ce qu’ils achètent pour rendre la société plus consciente de sa consommation et de ce qu’elle soutient avec son pouvoir d’achat. Un autre chalenge pour ces marques concerne leur taille et leurs chaines de décision interminables. Elles sont tellement énormes que chaque changement prend des années à réellement être exécuté globalement donc elles perdent forcément plus de temps. » Mais que fait l’industrie de la sneaker face à ses démons ? Longtemps amorphe et passive, elle prend désormais le upper par les lacets et met de plus en plus sa créativité au service de la planète.
Green is the new cool
« Ça fait un petit moment qu’on voit les grosses marques, notamment adidas, proposer des baskets en plastique recyclé… et je trouve ça bien car je pense que c’est un début pour éveiller les consciences et commencer à parler d’écologie. Honnêtement, pour les vêtements, j’ai tendance à dire que la meilleure chose à faire c’est d’acheter seconde main, mais pour les chaussures je trouve ça différent. » En effet, comme la co-fondatrice Rusmin l’explique, de nombreuses initiatives existent déjà, qu’on les valide ou pas. Avant même de parler de paire full vegan, que des initiatives soient menées au niveau de la production des matières premières, de leur transformation, du transport, de la distribution, de la vie ou de la seconde vie du produit, chaque pas en avant est bon à prendre. Nous évoquerons ici les produits qui vont dans ce sens là et qui, très subjectivement, nous plaisent beaucoup. Et si tu cherches des « petites baskets sympa » pour aller « chiller en apéro rosé rooftop », tu peux passer ton chemin.
Clean Classics
Cette année adidas a lancé ses « classiques propres » pour ceux qui galèrent encore avec la langue d’Hamza. Les grands classiques de la marque aux 3 bandes sont revisités avec la technologie Primegreen qui utilise des matériaux premium contenant au minimum 50% de produits recyclés. Adi a aussi utilisé son Better Rubber, caoutchouc naturel à 90% et recyclé à 10%. Souvent blanches avec la semelle mouchetée, la collection colle à ses basiques intemporels avec une petite touche green sans tomber dans l’excès. Disponibles sur le site de FENOM à des prix allant de 99€ à 129€, les Superstar, Stan Smith, SC Premiere et Supercourt se mettent au vert pour donner un peu d’air à la planète.
Move to Zero
Avec en tête d’affiche sa Vapormax 2020 Flyknit et sa Space Hippie 04, Nike a poursuivi cette année son initiative Move To Zero. Elle vise à transformer les déchets en matière première pour fabriquer ses produits et ainsi réduire son empreinte carbone à l’échelle mondiale. Très colorés ou plus sobres avec un gris foncé omniprésent, les différents modèles pourront satisfaire des plus extravagants et aux plus réservés. Air Force 1, Daybreak, Cortez, Air Max 90 et 95 composent cette sélection éco-responsable, disponible à partir de 89€ et jusqu’à 225€.
Converse Renew
« Rethink. Recycle. Renew. »
Voilà la baseline choisie par Converse pour définir sa ligne conçue avec du polyester recyclé et un mélange de déchets de l’industrie de la mode. En collaboration avec Carhartt sur une Chuck 70 High bicolore qui s’accorde les faveurs de Temalaplume, la vision Renew de Converse s’exprime avec brio, le tout à un prix de 150€.
Une industrie qui doit garder la main verte
Les grands acteurs de l’industrie sont sur la bonne voie et la signature l’année passée par Nike, adidas et consorts du Fashion Pact visant à atteindre zéro émission nette de dioxyde de carbone (CO2) d’ici à 2050 et à passer à 100% d’énergies renouvelables sur toute la chaîne d’approvisionnement d’ici à 2030, montre leur dynamique positive. Et en voyant cet inventaire relativement bien fourni de paires éco-friendly, les marques et l’industrie pourraient s’auto-congratuler pour ces progrès considérables. Mais Martin, notre designer footwear du jour montre que même si les solutions existent c’est dans la connaissance, la réalisation et la communication qu’il reste de très gros challenges : « Il y a un manque de connaissance de la part des marques. Il y a des milliers de façons de faire du sustainable. Ça peut être dans le tannage du cuir par exemple (sans chrome, avec moins d’eau…). Tu peux utiliser des mesh et des toiles recyclées, en bambou, des semelles en canne à sucre, en algues, en liège, du cuir de cactus, de champignons, de fleurs… L’innovation technique est là et c’est assez difficile pour les marques et le consommateur de s’y retrouver. » Ce dernier ne manque pas d’ajouter qu’il ne faut pas non plus laisser tomber ce qui fait l’essence d’une paire, son design : « regarde la Space hippie (ou les Veja) les gens se sont rués dessus donc il y a un marché. Je pense qu’à partir du moment où une paire est « uniquement » sustainable et pas intéressante d’un point de vue design c’est déjà perdu. Si tu vois un petit logo d’une feuille verte sur la paire, ce n’est même pas la peine d’aller plus loin. »
Le chemin est donc encore long avant d’arriver à des performances écologiques à la hauteur de ces grands groupes, et Zak insiste sur leur modèle économique et social : « Je pense que le challenge est purement économique et marketing, car ces marques ont proposé des produits très intéressants d’un point de vue éco- conception et ça ne date pas d’hier. De plus, je trouve que ces produits sont très réussis (je pense à la gamme Space Hippie de Nike par exemple). Le plus gros défi pour ces marques est de changer leur modèle économique, car le modèle de multi-nationale actuel est clairement incompatible à l’envie d’être éco-responsable. (…) Ils sont très loin de tout ça, mais en tout cas ils ne sont pas les seuls. Un autre challenge qui est aussi super important, peut-être même le plus important à mes yeux, c’est d’inclure toutes les classes de la société dans cette transition là, car on n’arrivera à rien si on délaisse une partie de population et on fait notre transition de notre côté. Il n’y a pas de sens dans tout ça, et à l’heure actuelle personne n’y arrive, encore moins les gouvernements. Et je pense que les marques de sportswear ont leur mot à dire car elles ont un poids énorme sur la jeunesse et la culture. » Impliquer tout le monde dans cette transition et aussi prendre des risques. Il est encore clair qu’au niveau des produits proposés et des axes de communication préférés par les marques, le sustainable cible une clientèle sensible à l’écologie. Mais comme Zak le dit si bien, elles ont un rôle à jouer dans l’écologie et si Yeezy ou Jordan sortent du heat écologique, on sera beaucoup plus à attendre les raffles le samedi matin en mangeant du quinoa. La jeune créatrice Rubi abonde dans ce sens et évoque l’importance de la communication et du marketing : « il y a un problème de communication. C’est quelque chose que pour ma marque je m’efforce à faire. Je travaille presque autant sur la production du vêtement qu’à la manière dont je vais communiquer. Comment je vais raconter que l’éco responsable ça peut aussi être cool et sexy. Ça passe par un langage particulier, un stylisme particulier, un format… »
Et sur ces belles paroles teintées de green et de bonnes ondes pour la planète, Martin, aka l’hôpital qui se fout de la charité, nous apporte notre conclusion sur un plateau en bonne volonté bio : « je vais finir sur un truc très con, mais le produit le plus éco-responsable est celui que tu ne produis pas ! » Oui mais du coup, on clique où nous ?