Mise de côté puis oubliée, voici notre interview du légendaire Futura réalisée au printemps 2014 lors de son expo « Introspective » à la galerie Magda Danysz.
Le Tour de France démarre d’ici quelques semaines, êtes-vous toujours attaché à cette compétition ?
J’étais avec Lance Amstrong lors de son dernier tour. En me baladant dans Paris ce matin j’ai même vu un magazine avec une couverture de Contador qui serait de retour. Toutes ces histoires autour du vélo, au niveau professionnel, m’ont un peu dégouté. Je ne veux plus vraiment retourner sur le Tour.
Je suis toujours passionné par la pratique du vélo. L’expérience sur le Tour a été magique. Je fais toujours du vélo et je suis lié à ce milieu. J’ai d’ailleurs fait un vélo il y a quelques temps avec Colnago. J’étais coursier à New York dans les années 1980 et j’aime toujours faire du vélo. Mais l’histoire de dopage et le fait que les titres aient été retirés… il y a ce jeu de mots sympa du Livestrong qui est devenu Livewrong. J’ai fait des sneakers pour Lance, ainsi qu’une décoration pour son vélo. Il n’y a pas de regrets à avoir car on n’en savait rien. Mais je suis tout de même déçu et plus que par Lance, par ce sport en général. C’est assez subjectif mais si tout le monde triche, plus personne ne triche enfin de compte ? C’est un sentiment assez bizarre.
Peut-on évoquer votre relation avec Nike ?
il tourne les pages du livre qu’on lui prête avec quelques-unes de ses réalisations et tombe sur la Nike Dunk Hi Undefeated.
Ce modèle est l’un de mes préférés. C’est bien la paire faite par Undefeated ? Le fait qu’il n’y ait pas de renforts, je trouve ça génial. La languette était réalisée dans un joli cuir et l’association des couleurs, vraiment une belle paire de sneakers. Je l’ai d’ailleurs découverte à Paris.
Concernant mes créations pour Nike, peu de gens le savent mais cette Nike SB Dunk est ma première collab’ avec Nike (celle de gauche sur la photo, surnommée Futura mais jamais officiellement signée par l’artiste. Elle est sortie en 2003). Certes c’est la Nike Blazer de l’Artist Serie qui est sortie en premier (le modèle à droite sur la photo) mais j’ai créé cette dunk pour Nike SB un peu plus tôt. J’ai rencontré des gens de chez Nike au Japon qui m’ont proposé d’aller au Nike Campus à Portland. C’est la première fois que je m’y rendais et j’ai rencontré Sandy Bodecker (directeur de la ligne Nike SB puis de tout ce qui a trait à l’action sport chez Nike). Ils m’ont proposé de faire un modèle en me disant que ça serait une Nike Dunk. J’ai pu choisir l’association de couleurs et les matières. Je n’y connaissais rien à l’époque. Puis il y a eu l’artist serie avec la Blazer. Ils m’ont dit que la dunk SB sortirait un peu après mais qu’il n’y aurait pas mon nom dessus mais que l’information serait donnée officieusement.
La toute première association de Futura avec Lance Amstrong sur cette Nike FC qui reviendra un peu plus tard sous forme d’iD exclusive.
Puis il y a eu ce pack réalisé pour Lance sur les Nike FC. Je ne suis pas vraiment fan du modèle mais la paire collait véritablement à ce que l’on avait fait pour Lance et son vélo. Je sais qu’elle a tout de même reçu un bon accueil à l’époque.
Et pour la FLOM, elle a dix ans cette année (pour rappel, l’interview a eu lieu en 2014). Concernant Futura Laboratories, cela s’est achevé à peu près en même temps que la catastrophe de Fukushima. L’idée derrière Futura Lab n’était pas vraiment d’en faire un énorme business. C’était un petit label, avec peu de staff basé à Fukushima, mais qui arrivait à l’équilibre. Ce sont les Japonais qui m’ont proposé de créer ma marque, d’en devenir le directeur artistique et pourquoi pas avec l’ambition de s’étendre un peu plus tard avec un shop à Tokyo. Mais je préférais garder ça petit et Fukushima n’est pas non plus la ville la plus visitée du pays. J’avais plusieurs autres projets en même temps qui me permettaient de vivre, du coup je préférais garder ça petit. Nous avons un peu exporté des articles notamment avec Colette, de belles choses d’ailleurs. Mais je ne voulais pas vraiment faire de l’exportation car c’est compliqué administrativement. Puis il y a eu la catastrophe de Fukushima. Les personnes ont eu beaucoup de problèmes sur place et forcément d’autres priorités.
Avez-vous d’autres projets prévus dans la mode ?
J’aimerais peut être dans les années à venir refaire quelque chose comme ça. Vous savez, on a eu plusieurs marques. GFS puis la suite avec Project Dragon, toujours avec mon ami Stash.
STASH, FUTURA, GERB circa 1992 from Milkcrate Athletics TV on Vimeo.
Et tout a commencé pour nous ici, à Paris, au début des années 1990, puis mes premiers projets grâce à Agnès B. Stash continue d’ailleurs à faire des collections capsule avec des marques. De mon côté, j’ai plutôt arrêté ça mais je serais intéressé par une collaboration avec Converse (pour rappel, l’interview date de 2014, Futura a sorti en 2016 une première collection avec Converse) car c’est la marque que je porte le plus en ce moment. Et puis Converse c’est Nike, toujours la même famille. J’essaie de rester loyal. J’ai fait certes une Saucony avec Atmos il y a très longtemps, et en toutes petites quantités. Puis la dernière paire de sneakers que j’ai faite avec Nike était cette Air Force 1 Be True. C’était d’ailleurs intéressant car c’est la première fois que l’un de mes modèles n’était pas une édition très limitée mais plutôt une general release.
Puis j’ai toujours eu cette relation très forte avec Mark Parker. Il a été l’une des personnes à l’origine de ce projet sur la Nike Blazer. J’ai d’ailleurs été son invité sur le Tour de France et notamment l’étape de l’Alpe d’Huez. C’était des moments assez incroyables. Nous faisions de l’avion puis de l’hélicoptère. Sur place il y avait d’ailleurs Robin Williams, un grand fan de vélo. Il logeait dans un château sur place et invitait du monde. D’ailleurs, peut-être que vous ne le savez pas, mais Robin Williams adore Supreme, Bape et Nike. Il était tout le temps habillé comme ça et c’était incroyable de passer un moment avec Robin Williams et Mark Parker en même temps.
Avez vous peut être des anecdotes avec Nike sur des prototypes qui n’ont jamais vu le jour, des projets avortés ?
Il n’y a jamais eu ce genre de soucis, peut-être le projet avec Unkle néanmoins (Futura fait ici référence à la Nike SB « Dunkle » sortie en 2004). Cette collaboration a été menée avec James Lavelle et le label Mo’Wax. Mais je n’ai été averti qu’à la fin. La paire avait été désignée et ils m’ont demandé si je serais d’accord pour sa sortie.
photo de gauche par jens uhlemann
De toute façon, ces projets c’est le plus souvent du gagnant-gagnant. Si certaines personnes ne me connaissaient pas avant mais étaient des sneakerheads alors ils ont pu me découvrir. D’ailleurs j’ai une anecdote à ce sujet. On était sur le campus Nike avec Stash, c’était la période avant le lancement des Nike SB Dunk Paris et Tokyo. Nous sommes partis tous ensemble avec Mark Parker au Japon. Nous étions d’ailleurs déjà connus là-bas notamment avec A Bathing Ape, Nigo et bien sûr Hiroshi Fujiwara. Mais Nike n’avait pas encore cette résonance. Nigo avait d’ailleurs des problèmes avec Nike et sa Bapesta. On a été des relais au Japon pour Mark qui voulait faire quelque chose sur place. Ils ont rencontré beaucoup d’artistes et ont commencé à travailler sur l’exposition Nike Dunk. Il y a eu aussi le Nike et Medicom World Tour. Mark est quelqu’un d’incroyable qui m’a toujours offert des opportunités extraordinaires. Nous avons cette relation gagnant-gagnant. Les gens ne se rendent peut-être pas compte que celui qui est désormais le PDG de l’une des plus grandes marques au monde est quelqu’un de très cool, terre-à-terre mais aussi ouvert d’esprit. En général, ces personnes n’ont jamais le temps pour quoi que ce soit mais lui c’est différent, il est passionné par plein de choses dont l’Art.
On sait que vous appréciez la photo notamment avec beaucoup de partages sur internet, à quand une expo dédiée à ce medium ?
C’est vrai que j’adore la photographie. J’ai déjà fait une exposition en Suède avec un peu de photos mais jamais rien de plus. D’ailleurs on a essayé cette fois-ci d’imprimer mes photos sur de l’aluminium. Concernant mon fils, il est plutôt discret mais ça serait cool de faire quelque chose ensemble (nous avions interviewé son fils en 2007 avec une vidéo ici). Je l’ai d’ailleurs à peine croiser là sur Paris, il faisait le Gumball cette année. Pourquoi pas prévoir un projet commun autour de la photographie et même inclure ma fille car j’ai une excellente relation avec mes enfants que j’adore.